Christian Chesnot : « Petit miraculé »
Le journaliste Christian Chesnot, connu pour avoir été pris en otage en 2004 en Irak avec son confrère George Malbrunot, est venu donner une conférence aux élèves du l’IUT de journalisme de Cannes. La rencontre s’est déroulée vendredi 9 février, au collège International de la Bocca.
Aujourd’hui Christian Chesnot est journaliste au service étranger de Radio France International. Jusqu’ici, son parcours dans la profession n’a rien d’ordinaire. Retour dans les années 1990, au commencement de sa carrière.
Après des études au CFJ(1) et à l’IEP(2) de Paris, Christian Chesnot s’en va au Caïre, en Egypte. Pendant un an et demi, il est le correspondant de plusieurs journaux français. Il part ensuite dans la capitale jordanienne, Amman, où il travaille en free-lance de 1999 à 2004. « En free-lance, on touche à tout, on a une souplesse que n’ont pas les correspondants » précise t-il. Mais Amman c’est aussi une solution stratégique, une région où il y a beaucoup d’actualités, mais pas assez de journalistes pour les traiter. « J’ai choisi Amman car c’est un carrefour duquel on peut couvrir plusieurs pays. » Là-bas, il suit la seconde Intifada, le retrait israélien du Sud du Liban, la visite du Pape Jean-Paul II en Terre Sainte...
En tant que journaliste, Christian Chesnot se doit de rester neutre et de transmettre la réalité. Mais la violence et les injustices qui existent parfois au Moyen-Orient peuvent faire naître une certaine subjectivité. Face à cette faiblesse journalistique, qui n’est qu’une qualité humaine : la compassion, Christian Chesnot a son remède : l’honnêteté. « Parce qu’on ne peut pas être vraiment objectif, on doit pouvoir critiquer les deux camps, avoir une indépendance de jugement et témoigner de ce que l’on voit. Je pense que le concept le plus opérationnel, c’est l’honnêteté ».
C’est pendant cette période que l’évènement tragique se produit. Le 20 août 2004, Christian Chesnot et Georges Malbrunot, un confrère avec lequel il travaille de temps en temps, sont enlevés par l’armée islamique, en Irak. « On savait qu’on était dans une zone à risques. D’un coup tout bascule, on passe du statut d’homme libre au statut de prisonnier. Peu à peu, on rentre dans la captivité » confie le journaliste. Les deux hommes seront retenus pendant 124 jours jusqu’au 21 décembre 2004. A l’époque Christian Chesnot a 37 ans et parle quelques mots d’Arabe. Ils lui permettent de dialoguer avec ses ravisseurs. « Nous n’avons pas été maltraités » précise t-il, « on pouvait se laver et ils nous ont même donné des brosses à dents. »
Leur libération, en décembre 2004 reste encore mystérieuse. Douze millions d’euros auraient été versés pour que les journalistes rentrent sur le territoire national. La France nie. Alors, transfert d’argent ou pas ? « On sait qu’il y a eu transition, on n’a pas été libérés par hasard. La France a une tradition, elle va chercher ses otages. D’autres pays, comme l’Angleterre, ne font pas ça ».
Depuis son retour, Christian Chesnot a un C.D.I. à Radio France International, mais cela faisait longtemps qu’il voulait rentrer : « Avant la prise d’otage, j’avais déjà l’intention, pour des raisons personnelles, de revenir en France. Trouver un poste fixe. Après, on m’en a proposé un. Ca aurait été presque indécent de refuser». Christian Chesnot est passé du free-lance où il était complètement autonome, à un travail dans une entreprise. Le changement ne le dérange pratiquement pas : « J’ai toujours une sorte d’indépendance. Mais en tant que salarié, je suis obligé de suivre une logique. Mais au fond ça fonctionne pareil ».
Christian Chesnot est fataliste et avoue qu’il n’ira probablement plus en Irak parce que c’est devenu trop dangereux. Mais depuis 2004, il est déjà retourné en Syrie et aussi au Liban. Sa mésaventure « fait partie des risques du métier de journaliste » qu’il n’est pas prêt d’abandonner malgré les grosses frayeurs qu’il lui a procuré. Aujourd’hui, Christian Chesnot est considéré comme un spécialiste du Moyen-Orient et a écrit de nombreux ouvrages en la matière comment, entre autres, Les Palestiniens 1948-1998.