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6 décembre 2006

Les travers de la Justice d'aujourd'hui

Juge d'instruction à Grasse depuis dix-neuf ans et auteur de « Juge sur la Côte » (éditions Michel Laffont), Jean-Pierre Murciano a donné vendredi 20 octobre, une conférence aux étudiants de journalisme de Cannes.

De la pression qu'exerce l'Etat sur le parquet jusqu'à la corruption en passant par les déclarations du ministre de l'Intérieur, le magistrat a répondu, sans crainte, à toutes les questions sans éviter le moindre sujet.
« Hélas oui » dit-il au sujet de son travail sur la Côte d'Azur. Une terre de corruption sans égal en France. Blanchiment d'argent, détournements de fonds, tout y est. Jean-Pierre Murciano en donne quelques raisons :
« Ici, on ne connaît pas les propriétaires des maisons de valeurs, elles appartiennent toutes à des sociétés civiles immobilières. Ce système favorise le blanchiment d'argent et la clientèle riche attire les escrocs ».
Aucune administration de la Côte n'échappe à la corruption : policiers, représentants des services fiscaux et fonctionnaires, le crime organisé suppose que tous les maillons de la chaîne décisionnelle soient corrompus. Le juge prend l'exemple de l'affaire Urba de 1990 à la suite de laquelle on a découvert que 60% des députés du Parti socialiste étaient dans cette situation. Son travail dans la région a été souvent semé d'embûches posées par les politiques et son investissement personnel lui a valu de nombreux dessaisissements.

Le parquet sous tutelle

Au départ, un juge d'instruction est chargé d'une enquête car le parquet a ouvert une opération judiciaire. Ce dernier est hiérarchisé et dépend du ministère de la Justice.
« Le parquet a repris la mainmise sur les enquêtes et saisit de moins en moins le juge d'instruction. Il y a une volonté politique que les dossiers dits sensibles n'échappent pas aux mains du parquet au profits d'un juge d'instruction qui puisse mener l'enquête comme il le veut»
ajoute le magistrat.
Les juges d'instruction voient leur champ d'action réduire à petit feu. Depuis 2000, la chambre d'instruction, qui appartient à murciano_1la Cours d'appel, permet de remettre en cause les décisions des juges d'instruction. A partir de janvier 2001, ce ne sont plus eux qui décident de placer un individu en détention provisoire, c'est le juge de la détention et la loi Perben II de 2004 autorise le procureur à enquêter seuls. Ils sont aussi limités par la saisine, c'est à dire la définition des faits pour lesquels on leur a demandé d'enquêter. Le nombre d'enquêtes sur lesquelles ils travaillent chute : 180 ouvertures d'information par an en 1996 contre 51 en 2006.

« Changer le système »

Depuis l'affaire d'Outreau, les juges d'instruction sont très critiqués. On parle de les supprimer. Le magistrat pense qu'Outreau était du à un manque de moyens : « lI y a eu une faillite de la défense parcequ'on a eu affaire à une population déshéritée. L'erreur était humaine. Remplacer les juges d'instruction ne serait pas utile car on remplacerait des hommes par des hommes. Je ne vois pas comment empêcher qu'ils se trompent sans changer le système ».
Effectif insuffisant aussi dans les chambres d'instruction. Il n'y en a qu'une pour quatre départements si on prend l'exemple de la chambre d'Aix-en-Provence. Faute de moyens humains, le contrôle que la chambre doit effectuer « devient symbolique et n'est pas exercé dans les faits » selon le juge azuréen.

Dix ans, c'est suffisant !

Le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy a renchérit la polémique par sa déclaration dénonçant le laxisme des juges. Un comportement que Jean-Pierre Murciano trouve inadmissible. Il dénonce l'ambiguïté de certaines situations : « Le tribunal a besoin de savoir très exactement ce qu'on reproche à un individu. Il peut être difficile de trouver les bonnes personnes, ce qui explique que parfois [les policiers] soient déçus ».
En ce qui concerne la volonté du ministre de faire passer les violences des délinquants sur des forces de l'ordre comme un crime, Jean-Pierre Murciano préférerait que les mesures prises soient plus éducatives. « Vouloir criminaliser ces affaires reviendrait à vouloir les emprisonner à plus de dix ans. Il me semble que dix ans pour avoir balancer des cailloux sur des flics c'est suffisant ! »
ironise le magistrat.
Pour réduire le sentiment d'impunité des jeunes délinquants le juge Murciano précise que la politique qui se met en place sur la Côte d'Azur est de répondre à tous les manquements par une sanction pénale, qui n'est pas forcément la prison.

La décontraction était de rigueur lors de cette rencontre. Malgré les thèmes sérieux abordés, il n'était pas là pour juger. Vendredi le magistrat est venu sans sa robe, pour partager.


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